Robert ESTIVALS

Théorie générale de la Schématisation
1. Epistémologie des sciences cognitives ; 2 : Sémiotique du schéma ; 3 : Théorie de la communication
Paris : L’Harmattan, 2002-2003, 3 vol.

Présenté par Marie-France BLANQUET

« L’objectif de cet ouvrage, déclare Robert Estivals, professeur émérite de l’université de Bordeaux 3, dans un « Avertissement », est d’accoler d’une manière inséparable ... les deux séries de sciences qui ont pour objet la cognition et la communication et de le faire à partir d’une théorie unitaire, la théorie de la schématisation, et donc de la schématologie. »
Jusqu'à présent, les cognitivistes et les communicologues ont travaillé de façon solitaire sans percevoir leurs inter-relations. Il s’agit donc de croiser leur routes, de les unifier, de les réconcilier enfin en une vaste synthèse. C’est ce que se propose de faire dans ce magistral travail, Robert Estivals. L’ampleur de la tâche le conduit à diviser en trois volumes distincts la théorie de la schématisation. Le premier porte sur la cognition et la théorie du schème. Le second concerne le langage appréhendé à partir d’une théorie textuelle et graphique du schéma. Le troisième enfin présente une nouvelle théorie de la schématisation dans son ensemble, considérée comme théorie de la cognition et de la communication.

Le premier chapitre du volume 1 intitulé La Schématologie : la genèse d’une théorie : la théorisation de la pratique (p. 9-27), décrit les différentes phases qui entraînent l’auteur à créer le néologisme de schématologie. Ce sont d’abord des préoccupations artistiques à l’origine de la découverte du schéma symbolique. Puis, vient la période lettriste suivie d’une période de transition qualifiée d’ultra-lettriste suivie du schématisme. La phase de la recherche scientifique aboutit au choix d’un terme unitaire synthétisant la théorie de la connaissance et celle de la communication fondée sur la théorie de la schématisation. Le schématologie est née. Si l’on veut expliquer la communication humaine, il faut d’abord expliquer la connaissance et le langage. C’est pourquoi dans le chapitre 2, Théorie lexicale de la schématisation (p. 31-47), R. Estivals s’applique à définir tous les termes qui ont pour radical schem. La consultation de sources terminologiques, philosophiques ou neuro-psychologiques très différenciées dans le temps comme dans l’espace, telles que le Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de 1765 ou, en 1964, le Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française ou encore les oeuvres de Kant, de Piaget ou de Moles, permet de dater et de préciser la spécificité sémantique du terme de schéma, de comprendre le sens de mots plus récents tels que schémathèque, schématicité et schématique, schématisation et schématisme. Suivent des précisions sur les néologismes :schématographie et schématologie. Schème et schéma ont longtemps été confondus. L’auteur s’applique à expliquer les raisons de cette fausse synonymie et à donner les éléments qui caractérisent et spécifient le terme de schème. Un tableau : « Typologie lexicale de la schématologie » récapitule les apports de ce chapitre précis et absolument nécessaire pour comprendre l’itinéraire de R. Estivals. Cet itinéraire le conduit à explorer les concepts d’arbre et de réseaux. Ainsi la théorie cognitive de la schématisation donne lieu à deux chapitres, distincts mais totalement complémentaires. Le chapitre 3 : Théorie cognitive de la schématisation : l’archétype de l’arbre (p. 53-85), rend compte du passage du sensible de l’intuition à la conceptualisation et vice versa et divise la théorie cognitive de l’arbre en théorie réductionniste d’une part et, d’autre part, amplificatrice de l’information. En prenant appui sur l’œuvre de Kant et celle de Revault d’Allonnes, R. Estivals explique comment l’esprit humain passe de la sensation et de la perception au concept. Les travaux de ces deux auteurs ont été poursuivis par d’autres penseurs et dans des perspectives différentes. Il s’agit de Bergson, Flach et Sartre, Piaget. La nouvelle génération de chercheurs : Andler, Smolensky et Woodfield, établit le lien entre schème et cognition, neuroscience, logique, langage et cognitivisme. Cependant, un mouvement inverse est décelé après la Seconde Guerre mondiale, qui s’interroge sur le retour du concept à la perception. « De l’induction, on s’interroge sur la déduction » , constate R. Estivals qui décrit les deux tendances représentées par Piaget et Greimas. Un schéma organisé chronologiquement synthétise les apports de ce chapitre 3 que vient compléter le chapitre 4 consacré à l’archétype du réseau (Théorie cognitive de la schématisation : l’archétype du réseau, p. 89-153). Il convient, en effet, de resituer le concept dans la totalité du fonctionnement de la pensée. L’analyse de la structure cognitive permet de marquer le lien avec la schématisation arborescente. L’étude du concept opératoire de structure permet de comprendre que « la structure n’est rien d’autre que la conception que l’esprit humain se fait du réel et de son organisation ». L’essai de clarification des concepts de structure, de système, de modèle et de schéma est l’occasion d’établir un état des lieux des différentes conceptions concernant ces termes avant d’emprunter le chemin inverse, déductif, qui reconduit la pensée, des théories générales à leur application concrète dans l’action. Le lecteur est ainsi invité à découvrir les concepts d’appareil et de machine, en particulier, la machine intelligente à concevoir ou à faire (robotique). Enfin, l’étude du réseau, de la schématisation réticulaire montre comment celle-ci s’impose progressivement comme l’organisation générale de la réflexion humaine. Il reste à décrire le passage de la schématisation réticulaire logico-descriptive à la schématisation réticulaire mathématique. Les mathématiques modernes entraînent, en effet, à s’intéresser à la théorie des ensembles, topologies et théorie des graphes. Ainsi, tout ce qui précède permet de conclure sur la théorie de la schématisation comme épistémologie des sciences cognitives. À  l’issue de la lecture de travail dense et rigoureux, le lecteur regrettera l’absence d’une véritable table de matières rappelant pour chaque chapitre les sous-chapitres et les subdivisions dont les intitulés sont en soi des résumés.. Cela lui aurait offert un outil de recherche pour la relecture d’un passage du texte et un guide pour mieux suivre la pensée très abstraite de R. Estivals. Par ailleurs, l’ouvrage repose sur une documentation très riche traduite dans les bibliographies données à la fin de chaque chapitre. Au lecteur moins savant que l’auteur, un index auteur eût été le bienvenu. Cependant, une chose est sûre, le lecteur a envie de prendre connaissance du deuxième volume, même s’il sait que la lecture en sera difficile.

Le deuxième volume commence également par un « Avertissement » qui permet à Robert Estivals de rappeler les objectifs du premier document paru et de présenter ses nouvelles directions de recherche. Elles portent sur le langage et le médium. Ce deuxième tome se propose de renouveler la théorie de la communication en montrant que « la relation schème-schéma, subjectivité-objectivité, est la véritable nature du langage et de la communication ». Ainsi est annoncée la problématique générale qui sera soulevée dans le troisième volume de cette étonnante et imposante étude. Cette deuxième partie est découpée en onze chapitres.
Le chapitre 1 : Le langage : du schème mental au schéma textuel : archétype de la ligne et de l’arbre (p. 11-45), se base sur l’incomplétude des théories de la communication. Cela conduit l’auteur à établir une synthèse générale des perspectives des sciences cognitives, physio-psychologie, psycho-linguistique, sémantique et sémiotique concernées par le langage et la communication. En suivant, il élabore une théorie du langage conduisant du schème mental au schéma textuel à l’origine de la découverte d’un nouveau schéma élémentaire venant s’ajouter au schéma arborescent et réticulaire découvert dans le tome I : le schéma linéaire dont la nouveauté est d’approfondir, grâce à la cognition, la communication humaine. Cette communication passe par l’oral et l’écrit. C’est pourquoi le chapitre 2 analyse les schémas linguistiques oraux et écrits et leurs spécificités respectives, occasion pour R. Estivals de rappeler les acquis dans ce domaine (Du schéma linguistique oral au schéma graphique : les schémas linguistiques écrits : archétype du schéma réticulaire virtuel  - p. 49-59). « Le passage des schémas linguistiques écrits aux schémas graphiques pose le problème de l’histoire des travaux sur cette question, avant de pouvoir en faire une synthèse systématique », déclare l’auteur. Le chapitre 3 : Le schéma graphique archétype du réseau : historique de la recherche, est une présentation syncrétique de cette histoire qui se déroule en deux temps principaux, matière des chapitres 4 à 8. La première moitié du 20e siècle s’ouvre sur trois orientations. Le lecteur a rencontré la première. Elle correspond à la théorie de la schématisation arborescente et réticulaire présentée dans le volume 1. Les chapitres 4 et 5 lui présentent les deux autres avec : Le mandala, théorie de la schématisation de l’inconscient collectif.- C.-G. Jung : Archétype de l’étoile et du réseau (p. 71-84). Ce chapitre porte sur le mandala bouddhiste et le mandala psychiatrique de Jung, catégories comparables de schéma graphique. Les études portées sur cette représentation symbolique originale sont multidisciplinaires. Le regard transdisciplinaire que port R. Estivals lui permet d’expliciter une théorie de la schématisation de l’inconscient individuel et collectif. Ce chapitre est particulièrement passionnant à lire et très enrichissant. Le chapitre 5 : Schématique et bibliologie : la prise de conscience du champ d’études du schéma graphique .- P. Otlet : Archétype de l’arbre (p. 87-89), permet de comprendre comment Otlet lie le schéma graphique à la bibliologie, constituant ainsi un domaine spécifique : la schématique. « C’est ce  qui rend son apport fondamental », insiste R. Estivals. Otlet semble être le premier à reconnaître le domaine spécifique des schémas graphiques et à le positionner dans la bibliologie. Dans la deuxième partie du 20e siècle, en continuité avec P. Otlet, R. Estivals et le groupe Schéma et Schématisation élaborent une théorie générale du schéma graphique en situant celui-ci par rapport à la cognition et à la schématisation arborescente et réticulaire d’une part, et d’autre part, à la communication iconique et textuelle. Ce groupe crée ainsi une théorie cognitive et communicationnelle de la schématisation et du schéma sous le nom de schématologie, constituant ainsi une discipline nouvelle. Celle-ci fait l’objet du chapitre 6 : Schématisme et schématologie. Art et science du schéma graphique. Robert Estivals et schéma et schématisation : archétypes de l’arbre et du réseau (p. 93-144) illustré de nombreux schémas et tableaux qui permettent au lecteur de suivre la pensée très abstraite mais en ligne droite de l’auteur. A peu près à la même époque, J. Bertin invente la Sémiologie graphique et la Graphique. Le chapitre 7 : La sémiologie graphique et la graphique : le schéma graphique géométrique comme méthodologie scientifique. J. Bertin : Archétype du tableau (p.147-159), expose cette méthodologie de recherche scientifique fondée sur les schémas graphiques géométriques, et particulièrement sur le tableau permutationnel. Enfin, plus récemment, J.-L. Le Moigne et D. Durand, rejoints par M. Adam, proposent la systémographie reposant sur les schémas graphiques considérés comme expression de la pensée scientifique particulièrement systémique et modélisatrice (Chapitre 8 : La systémologie :  le schéma graphique géométrique expression de la pensée systémique .- J.-L. Le Moigne - p. 163-168). Dans le premier volume, l’étude sur la schématisation réticulaire mathématique avait permis de dégager les procédures cognitives logiques et logico-mathématiques modernes. Le chapitre 9 (Le langage des mathématiques : langue naturelle, système symbolique spécialisé, la codification du schéma graphique géométrique : archétype de la ligne et du réseau - p. 171-196) du volume deux se propose de poser la question du langage employé. Or, la nature des opérations cognitives dans cette discipline a conduit à l’élaboration d’un système symbolique spécialisé dont le principe fondamental est la monosémie. A ce langage s’ajoute le système graphique faisant intervenir tableaux et diagrammes. Les mathématiques apportent ainsi à la schématisation la codification du langage des schémas graphiques. Tout au long de ce chapitre un peu difficile pour des « littéraires », des tableaux, des schémas et des effets typographiques (soulignement, majuscule...) permettent au lecteur de suivre la démonstration rigoureuse de l’auteur, appuyée sur une documentation riche donnée en bibliographie. Les chapitres précédents ont visé à élaborer une sémiotique du schéma graphique géométrique. Il s’agit maintenant de comprendre comment le schéma graphique fait appel à la fois à la logique et à l’esthétique, à l’art.  Le chapitre 10 se propose de comprendre la relation qui unit schéma, beau, art et esthétique (Le schéma graphique géométrique, l’esthétique et l’art - p. 199-213), qui permet à l’auteur de découvrir que « le vrai et le beau sont intimement mêlés dans un acte psychique instantané » dont il précise la spécificité et la complémentarité. Ici, R. Estivals, tout en s’aidant de créateurs artistiques différenciés, émet une pensée créatrice, totalement originale sur le plan intellectuel qui lui permet de démontrer la force de ses sources personnelles initiales : le schématisme. Cela lui permet de conclure dans le onzième chapitre (Théorie sémiotique du schéma - p. 217-237) sur une synthèse comparative des principales théories du schéma et d’en dégager une théorie magistrale sémiotique générale. A l’issue de la lecture de ce deuxième document, le lecteur est partagé entre le désir de découvrir le troisième volume, mais aussi celui de relire le premier. Car de nombreux points restés obscurs ou incomplets sont éclairés dans ce deuxième tome. Comme pour le premier volume, il regrette l’absence d’outils, aide à la lecture comme une vraie table des matières. Il y a bien un table des schémas graphiques et des tableaux, mais sans leurs intitulés. Mais la curiosité l’emportant, et surtout la soif d’aller jusqu’au bout avec l’auteur l’emporte. C’est la lecture du volume 3.

Le troisième et dernier volume de cette étude poursuit l’objectif annoncé à plusieurs reprises dans les documents précédents. Il s’agit de proposer une nouvelle théorie spécifique de la communication fondée sur la schématisation et l’intégrer dans la théorie générale, constituant ainsi la triptyque : cognition, langage, communication. Mais ce troisième volume a également une double fonction personnelle : « Sur le plan scientifique, dit R. Estivals, elle renouvelle la communicologie comme science de la communication en la faisant sortir par le haut, du bourbier descriptif de la communication sociale où elle s’enlise dans la sociologie et l’histoire, oubliant ainsi que la fonction de la science, à la différence de la littérature, est d’expliquer par des théories générales. »  Cette idée forte est une des lignes directrices de cette étude, maintes fois exprimée. Par ailleurs, sur le plan artistique, la théorie générale de la schématisation achève la théorie avant-gardiste du Schématisme, en lui offrant une théorie scientifique, nécessaire et finale. Pour exposer toutes ces idées, l’auteur découpe son travail en trois parties bien évidemment solidaires. La première concerne un historique des théories de la communication. La seconde vise à intégrer la communication dans la théorie générale de la schématisation. La troisième, enfin, porte sur un inventaire du vocabulaire de la schématisation. La théorie de la schématisation dans l’histoire des théories de la communication en France (chapitre 1, p. 17-43) commence par la rencontre avec la génération fondatrice en 1960 : R. Escarpit, A. Moles, J. Meyriat... Puis vint « le sommet du cycle » suivi de la « génération dissolvante » où sont décrits les choix de B. Miège qui, désireux de montrer que tout est dans tout, aboutit à la conclusion que les sciences de l’information et de la communication ne constituent pas un domaine à part susceptible de permettre l’élaboration d’une théorie général scientifique. L’auteur est sévère à son égard mais explique pourquoi : le discrédit qui en résulte sur les sciences de l’information et de la communication. Cependant, les travaux menés par R. Estivals et son équipe constituent un contre-exemple de la tendance de la génération dissolvante. L’auteur nous en explique le cheminement, présente les principaux acteurs, les principales actions ainsi que les travaux issus de ces recherches. Le chapitre 2 (p. 44-76) récapitule  L’évolution des schéma canoniques de la communication, cognition et schématisation à travers trois phases décrites par l’auteur en s’appuyant sur les travaux de nombreux chercheurs venus d’horizons différents : linguistique, sociologie, psychologie, sémiotique... Le lecteur rencontre ainsi de Saussure, Shannon, Lasswell, Escarpit, Richaudeau ou Pitrat... Chaque schéma graphique (17) fait l’objet d’une illustration commentée avec beaucoup de pédagogie. Cela permet de réfléchir en conclusion sur le concept d’interdisciplinarité et de poser la schématisation comme décrivant la spécificité de la communication humaine. Avec le chapitre 3 : Les principes constitutifs de la théorie générale de la schématisation, commence la deuxième partie de cet ouvrage qui se propose d’aboutir à une synthèse générale de tous les chapitres précédents (volume 1 et 2) et d’aborder le rôle de la communication dans cette théorie en élaborant une théorie de la communication fondée sur la théorie de la schématisation. Cela entraîne l’auteur à explorer les principes constitutifs de la théorie de la schématisation. Le lecteur se retrouve en pays de connaissance, redécouvrant les concepts de schématisation, schème ou schéma, déjà rencontrés. S’y ajoute la problématique de la forme. R. Estivals en explicite les théories, s’interroge sur ses relations avec la signification et, après un rappel de la forme mathématique, s’applique à poser les différences à faire entre forme, schème et schéma. Il convient désormais de déterminer Les cadres scientifiques et l’épistémologie constructiviste de la théorie générale de la schématisation (chapitre 4, p. 93-102). Pour cela, il faut situer la théorie générale de la schématisation par rapport à ses trois objectifs diachroniques : théorie cognitive et sémiotique, théorie des sciences cognitives et sémiotiques, théorie de la communication. Il importe ensuite de s’interroger sur la nature de son épistémologie. Dans cette optique, elle apparaît comme la théorie fondamentale du constructivisme, « centre de l’épistémologie constructiviste ». Le chapitre 5 pose, quant à lui, La théorie communicationnelle de la schématisation (p. 103-111). « L’homme n’est pas seul », rappelle R. Estivals. Que devient dès lors la théorie générale de la schématisation dans l’analyse de la communication ? Et que devient cette dernière quand on lui applique la théorie de la schématisation ? L’introduction de la théorie de la schématisation considérée comme théorie cognitive et sémiotique dans la théorie de la communication interpersonnelle, conduit à un bouleversement complet de la compréhension du processus de communication humain. Enfin, le chapitre 6 qui clôture cette deuxième partie se propose d’établir une formulation logique de la théorie de la schématisation (La formulation de la théorie générale de la schématisation comme théorie de la cognition, du langage, de la communication et de l’art - p. 112-123). La première de ces formulations concerne les deux premiers volumes et porte sur la théorie de la schématisation comme théorie cognitive et sémiotique. La seconde porte sur le présent volume et la communication. Il s’agit d’élaborer une formulation de la théorie générale de la schématisation comme théorie fondamentale de la communication humaine. Enfin, la troisième concerne l’interrogation à l’origine du schématisme comme mouvement d’art d’avant-garde. Trois formulations dont le code est donné en conclusion qui permet de comprendre les formules aux formes mathématiques qui synthétisent les apports de ce texte. Le chapitre 7, également troisième partie de ce travail, recense Le vocabulaire de la schématisation (p. 125-182). Au lecteur qui s’étonne de voir dans le premier volume un chapitre consacré aux définitions des concepts opérationnels de base, R. Estivals répond que non seulement, il n’y a pas de redondance, mais que cette démarche répond à une nécessité : ‘Il convenait en effet, avant d’entrer dans le vif des problèmes posés par la schématisation, de s’interroger, pour soi et pour le lecteur, sur le sens de ce terme et de tous ceux qui ont pour radical le mot grec « schem ». » L’avancée scientifique a fait émerger un ensemble de termes relevant de l’ensemble des domaines des sciences cognitives et communicationnelles. Ces termes sont souvent polysémiques (forme, arbre, code, par exemple), il convient d’avoir une démarche scientifique et rigoureuse pour les rendre le plus monosémiques possible. C’est ainsi que R. Estivals propose un glossaire d’une centaine de définitions construites à la fois dans l’esprit d’un dictionnaire et d’un thesaurus. Certaines définitions donnent lieu à un tableau récapitulatif et synthétique. Le choix de placer le vocabulaire de la schématisation en fin de l’étude et comme un chapitre en soi, peut paraître contestable pour le lecteur qui retrouve là des termes fréquemment utilisés dans les trois tomes : archétype, par exemple. Cependant, la lecture des définitions montre que l’outil linguistique ainsi proposé n’est pas au rang du simple outil. Ce chapitre participe à l’apport scientifique de l’étude, expliquant ainsi le choix de l’auteur. C’est également dans ce troisième volume que l’on trouve les guides qui font défaut dans les deux premiers volumes : index des auteurs, des concepts. Là encore, le lecteur peut penser qu’il eût valu les proposer à l’issue de chaque tome plutôt que de les réunir dans le troisième et dernier document. Cependant, si les choix de l’auteur sur ces problèmes de forme sont discutables, ils ne doivent pas faire oublier la solidité et la profonde originalité de ce travail. Car, comment rendre compte de façon exhaustive de cette solide et pertinente somme ? L’étude est difficile à lire, écrite avec une rigueur intellectuelle remarquable, une progression conceptuelle tout aussi remarquable. Le lecteur ne peut que s’enrichir des apports documentaires que R. Estivals donne dans cette étude qui s’appuie sur de très nombreux auteurs et études systématiquement références en fin de chapitre. L’ensemble de la communauté des chercheurs ne peut que s’enorgueillir d’avoir enfin un théoricien de la taille de Robert Estivals capable de dresser une théorie de la schématisation ; un théoricien puissant qui vient ajouter son nom, et surtout son œuvre, à la prestigieuse liste de ceux qui le précèdent et qui ont pour nom : Kant, Bergson, Moles, Piaget et Otlet, père de la bibliologie.


Jacques Hellemans, Secrétaire général de l'AIB

Mise à jour : 23.05.2023